L'article 122 de la loi "Climat et Résilience", interview de Mathieu Fernandez

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Comment les GPS peuvent-ils contribuer efficacement à la lutte contre le déréglement climatique ? Mathieu Fernandez, chef de projets numérique au Ministère des Transports et intrapreneur de DiaLog commente l’article 122 de la Loi Climat et Résilience.

Commençons par le texte en question :

Après l'article L. 1115-8 du code des transports, il est inséré un article L. 1115-8-1 ainsi rédigé : Selon des modalités définies par décret, les services numériques d'assistance au déplacement sont tenus d'informer de façon complète les utilisateurs des impacts environnementaux de leurs déplacements. En particulier, ces services :

1° Indiquent, le cas échéant, la présence et les caractéristiques des mesures de restriction de circulation en vigueur dans les zones à faibles émissions mobilité prévues à l'article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales ;

2° Ne favorisent exclusivement ni l'utilisation du véhicule individuel, ni l'usage massif de voies secondaires non prévues pour un transit intensif ;

3° Proposent aux utilisateurs un classement des itinéraires suggérés en fonction de leur impact environnemental, notamment en termes d'émissions de gaz à effet de serre ;

4° Informent les utilisateurs des mesures de restriction de circulation visant les poids lourds prises par les autorités de police de la circulation en application de l'article L. 2213-1 du même code ou de l'article L. 411-8 du code de la route et concernant les itinéraires proposés, dans le cas des services numériques d'assistance au déplacement spécifiques aux véhicules lourds.

Les services numériques mentionnés au premier alinéa du présent article sont ceux qui visent à faciliter les déplacements monomodaux ou multimodaux au moyen de services de transport, de véhicules, de cycles, d'engins personnels de déplacement ou à pied.

Mathieu Fernandez, vous êtes intrapreneur au sein du Ministère de la Transition Écologique, en charge du développement de la startup d’État DiaLog. Avant de nous parler de DiaLog, pouvez-vous nous raconter pourquoi l’État a souhaité encourager les solutions de navigation à mieux favoriser les déplacements les moins carbonés ?

À la suite du mouvement des gilets jaunes, le Grand Débat National a permis d’affirmer une nouvelle fois l’urgence de freiner notre contribution au déréglement climatique. La Convention Citoyenne pour le Climat a ensuite formalisé une série de mesures répondant à cette obligation. La pandémie de covid-19 a elle démontré la fragilité de notre système face aux crises de grande ampleur. La loi Climat et Résilience vise à répondre à ces fortes tensions en agissant sur de nombreux secteurs : la consommation, la production et le travail, les mobilités, l’aménagement ou l’alimentation.

Le secteur des mobilités est le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France, et les mobilités routières y sont responsables de la grande majorité (+90%) des émissions. Ces dernières sont donc un sujet prioritaire de toute politique publique visant à freiner notre contribution au réchauffement climatique. La circulation routière est également d’une grande importance quand on parle de résilience. 9 tonnes de marchandises sur 10 transitent par la route en France, une circulation très intensive qui nécessite d'être encadrée par les gestionnaires d'infrastructure afin de garantir l'accès à des routes en bon état.

Quelles sont les contraintes et obligations que l’article 122 introduit pour les solutions de navigation ? Dans quel objectif ?

Je vous renvoie aux détails de chaque terme utilisé dans l’article, mais en résumé disons qu’il demande à ce solutions de mieux informer les utilisateurs de la route sur les ZFE, de veiller à ne pas favoriser exclusivement certains véhicules et certains itinéraires inadaptés, et de proposer des itinéraires ayant un moindre impact en terme d’émission de gaz à effet de serre.

Il me semble qu’il y a également un paragraphe spécifique sur la réglementation poids lourds, c’est le créneau choisi par DiaLog pour ses premiers cas d’usage non ?

L’article 122 dispose que les solutions de navigation “ Informent les utilisateurs des mesures de restriction de circulation visant les poids lourds prises par les autorités de police de la circulation en application de l'article L. 2213-1 du même code ou de l'article L. 411-8 du code de la route et concernant les itinéraires proposés, dans le cas des services numériques d'assistance au déplacement spécifiques aux véhicules lourds.”

Dans la phase d’investigation de DiaLog, nous avons choisi de nous concentrer sur l’application de la réglementation poids lourds dans certaines villes, en prenant le cas particulier des arrêtés de travaux ayant un impact sur la circulation. Il faut garder à l’esprit qu’une agglomération comme Rennes va ouvrir et fermer plusieurs milliers de “chantiers” par an. Pouvoir communiquer efficacement vers les utilisateurs de la route, en premier lieu desquels les poids lourds, est crucial. Cela permet d’éviter des désagréments (camion bloqué, obligé de faire demi-tour) mais permet également de réduire les risques (camion empruntant une voirie ou une infrastructure inadaptée) et améliorer les conditions de travail des conducteurs. Lors de la phase d’investigation de DiaLog, nous avons constaté une grande convergence de vue des différents acteurs - services municipaux, transporteurs, chargeurs - sur l’utilité d’améliorer la connaissance des périodes, secteurs et impacts des travaux.

Camions circulant dans une rue d'Olliergues © Arnaud Bouissou / Terra

Camions circulant dans une rue d'Olliergues © Arnaud Bouissou / Terra

Concrètement, qu’est-ce que DiaLog va apporter ?

Nous avons essayé d’inclure DiaLog de la manière la plus fluide possible dans le parcours qu’emprunte la réglementation. Je m’explique : aujourd’hui la réglementation est produite par les communes ou regroupement de communes en prévision de travaux impliquant au moins une entreprise. Lorsque ces travaux ont un impact sur la circulation sur l’espace public, un arrêté est nécessaire pour en modifier temporairement ou définitivement les règles d’usage. Après avoir défini avec les services concernés les impacts qu’auront ces travaux, l’arrêté explicite ces impacts : type de modification, durée, localisation, type d’usage ou d’usagers concernés. Cet arrêté doit ensuite être publié pour avoir force exécutoire. Il va générer notamment une information temporaire ou permanente sous forme de panneaux, et éventuellement communication directe auprès des riverains et dans des médias.

Et c’est là que DiaLog intervient. À l’aide d’une interface simple, DiaLog permet aux collectivités de transmettre par voie numérique les arrêtés qui ont un impact sur la circulation auprès des services numériques d’assistance au déplacement. Ceux-ci peuvent prendre en compte ces contraintes pour le calcul des itinéraires et la présentation des cartes de secteur qu’ils diffusent à leurs utilisateurs.

DiaLog est-il déjà en service ? Où en êtes-vous pour le moment ?

Nous sommes toujours en phase de test et de développement. DiaLog travaille par exemple avec les autorités du Grand Paris afin d’intégrer les arrêtés existants dans la perspective prochaine des Jeux Olympiques de Paris 2024. Des services numériques d’assistance sont également consultés et impliqués. Cette phase est importante car elle permet de tenir compte des besoins et contraintes des différents acteurs en matière d’expérience utilisateur, de fonctionnalités et d’organisation.

Notre objectif est de disposer en trois ans d’un outil complet et fiabilisé, prenant en compte l’ensemble des règles d’usage de nos routes. Cette année nous construisons et testons le service, il s’agit véritablement de bâtir l’ensemble des fonctionnalités de DiaLog et de déterminer la meilleure manière de transmettre les données que nous recueillons à des tiers réutilisateurs. Cela nous permettra d’aborder l’année 2024 sur des bases solides afin d’une part de mettre le dispositif à l’épreuve, vérifier son fonctionnement en conditions réelles et quantifier son impact, et d’autre part de travailler à son déploiement notamment auprès des collectivités concernées par les Jeux Olympiques. Nous espérons ainsi améliorer significativement l’expérience des usagers et des professionnels de la route pendant les Jeux. Enfin 2025 sera encore davantage consacrée au déploiement du service, afin notamment de préparer l’arrivée d’obligations européennes sur l’ouverture des données de réglementation routière.

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