Construire une politique nationale pour le Fret, interview de Xavier-Yves Valère
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Xavier-Yves Valère est chef de la Mission Fret et Logistique de la DGITM (Direction Générale des Infrastructures de Transport et des Mobilités). Il travaille à concevoir la politique nationale visant à assurer le futur du transport de marchandises, un secteur qui traverse d'importantes transformations. Du rapport de 2021 sur la logistique urbaine durable aux Jeux Olympiques de 2024, comment se matérialisent ces mutations ? Et que signifient-elles pour l'avenir du fret ?
Pourquoi DiaLog ? Pouvez-vous nous raconter la genèse de cette solution ?
La pandémie a agi comme un révélateur pour de nombreux acteurs publics et privés de la nécessité de travailler sur les conditions de notre logistique urbaine : le fort développement du commerce en ligne, la mise en place des Zones à Faibles Émission (ZFE),... Les collectivités territoriales se posaient des questions et l’État qui avait largement décentralisé sa politique devait vérifier si les règles en vigueur étaient toujours adaptées.
Trois personnes, Anne-Marie Idrac, (ancienne ministre des transports et du commerce extérieur, présidente de France Logistique), Anne-Marie Jean (élue strasbourgeoise et présidente du port autonome de Strasbourg) et Jean-Jacques Bolzan (élu toulousain président de la Fédération des Marchés de Gros) ont eu pour mission de vérifier si la politique publique de l’État en matière de logistique urbaine était toujours adaptée. J’ai eu la chance d’être désigné comme co-rapporteur de cette mission, ce qui m’a donné l’occasion de faire un tour de France des attentes des collectivités territoriales et des filières économiques.
Un problème revenait très régulièrement : quand on est un livreur ou chargeur, la réglementation n’est pas toujours claire et son accès encore moins. Quand la collectivité est assez outillée, les acteurs économiques peuvent trouver l’information sur leurs médias en ligne, mais souvent l’information n’est pas facilement accessible. De leur côté, les collectivités territoriales nous ont dit que dans les ZFE manquaient des outils communs pour discuter à l’échelle d’un ensemble de communes et qu’ils avaient beaucoup de mal à faire prendre en compte leurs arrêtés dans les logiciels d’itinéraires.
La mission a donc recommandé de mettre en place une solution numérique ad hoc, ce que le Gouvernement a acté à l’occasion du Comité Interministériel de la Logistique de 2021 en proposant la mise en place d’une base de données nationale et des services associés.
Quelles sont les difficultés que rencontrent les acteurs de la logistique urbaine ?
La mission en avait relevé de trois natures :
- difficulté d’information des usagers,
- difficulté à caractériser les besoins d’articulation des réglementations entre autorités publiques voisines,
- difficulté de mettre à disposition des information réglementaires sous un format exploitables par les logiciels d’itinéraires.
Toutes ces difficultés n’étaient pas insurmontables, mais il nous fallait d’abord une bonne écoute client pour vérifier que nous avions bien compris la question dans toutes ses dimensions.
Certains acteurs suggéraient de rendre obligatoire soit la transmission de l’information des maires aux GPS ou des GPS aux usagers mais ce qui nous manquait c’était surtout une solution techniquement viable.
DiaLog a été créé pour répondre à ces besoins exprimés par les acteurs publics et privés et mettre en chantier un travail technique qui y réponde.
Pourquoi avoir choisi le format de startup d’État pour DiaLog ?
La réponse aux besoins des acteurs se trouvait dans un projet à la fois de transport, de solution numérique et de modernisation de l’administration. Nous avons saisi l’opportunité des dispositifs mis en place par la direction interministérielle du numérique (DiNum) pour créer DiaLog.
En tant que projet numérique, la solution nécessitait une approche progressive par fonctionnalités afin d’aborder les sujets un par un. Dans la lignée du Point d’Accès National aux données - transport.data.gouv, DiaLog doit devenir la solution d’accès aux données routières. Face aux initiatives isolées des collectivités territoriales d’un côté et aux offres privées de l’autre, nous sentions que c’était le moment de structurer le marché et permettre un déploiement national des services sur le même modèle que transport.data.
Notre objectif n’est pas de nous substituer aux solutions privées qui existent sur le marché, notamment les Transport Management Systems qui récupèrent la donnée relative aux poids lourds. Lorsque nous avons discuté avec les éditeurs de ces solutions, nous nous sommes aperçus qu’eux-mêmes avaient des difficultés à récupérer la donnée. Tout le monde appelait de ses vœux cette clarification et ces moyens.
Quels changements une solution comme DiaLog pourra apporter aux différents usagers de la route ?
Lors de nos rencontres les professionnels nous ont dit que lorsqu’il y a des travaux ou même un déménagement ils ont du mal à le savoir. Un livreur a également 80% de chance de trouver une aire de livraison occupée, ce qui lui impose de se garer en double file. Ces problèmes sont des petits accidents du quotidien qu’il est important de régler, sachant que comme je l’ai dit la transmission d’alertes permettrait aussi de mieux protéger les agents d’exploitation routière.
Enfin, l’information transmise via DiaLog pourra aussi permettre de mieux planifier des décisions pour les collectivités locales : harmoniser entre communes des interventions sur la voirie, des règles de circulation ou de stationnement, mieux diagnostiquer à la bonne échelle l’offre de voiries.
DiaLog peut être un outil efficace de planification et d’aide à la décision pour les décideurs publics et privés.
Au-delà des poids-lourds, quelles sont les ambitions de DiaLog ?
Ce qu’on arrive à faire pour les poids lourds va bénéficier à tous les usagers. Il y a bien sûr des enjeux propres à la logistique comme la connaissance des contraintes de circulation sur le poids, le gabarit ou les horaires de livraisons autorisées, mais le travail de traduction d’un arrêté de circulation en donnée exploitable par un GPS ouvre de nombreuses perspectives pour la suite car un(e) maire n’a pas toujours de prise sur les itinéraires proposés aux automobilistes dans les GPS. Il ou elle est obligé(e) de prévoir des aménagements de voiries pour éviter ce trafic “envoyé” par les GPS.
Nous avançons en mode start-up, nous vérifions donc à chaque étape de développement que nous répondons à un besoin avec une solution adaptée. Nous nous sommes fixés une liste de besoins à adresser simplifier les livraisons, mieux faire connaître les restrictions sur les ouvrages d’arts (ponts, tunnel,...) et les barrières de dégel. Nous sommes très sensibles également à la sécurité des agents d’exploitation qui travaillent sur les routes. Nous souhaitons pouvoir aussi développer un module pour permettre à ces agents de transmettre des messages d’alerte aux usagers de la route en temps réel en cas d’intervention.
À court terme les Jeux Olympiques de Paris semblent également un champ d’application intéressant ?
Les ressources d’une startup d’État doivent être proportionnées aux objectifs de politique publique qu’elle cherche à atteindre. Il est important de faire la preuve de ce qu’on apporte, et les Jeux Olympiques représentent un bel endroit pour la démonstration de l’apport de DiaLog.
Les Jeux Olympiques forment un immense défi logistique. La DGITM a évalué que la demande de transport de marchandises allait être doublée : nous aurons 2 fois plus de demande de transport de marchandises pour les restaurants, les hôtels, activités, et celà simplement pour la logistique du quotidien en dehors même de la logistique propre à l’organisation des Jeux. Or nous savons déjà que nous n’aurons pas 2 fois plus de poids lourds et de chauffeurs. Ce boom de la demande va se passer à un moment où les conditions de circulation seront très dégradées autour des sites d’épreuves, durant les épreuves, parfois plusieurs jours de suite sur certains sites.,...
La réglementation va être très dynamique pour limiter les restrictions dans le temps au strict nécessaire des épreuves. Il y a donc un enjeu énorme à pouvoir communiquer clairement sur les conditions de livraisons suivant les secteurs et les jours d’épreuves. Il est donc impératif que la solution DiaLog puisse être opérationnelle et permettre un accès aux informations depuis un logiciel de planification d’itinéraire.
Comment est-ce qu’on discute avec les GPS (Tom Tom, Here, Waze,...) quand on est l’État ?
L’État est responsable du respect de la réglementation nationale. Les GPS ont besoin d’homogénéité car leurs solutions sont par natures internationales. Ils ne vont pas faire un logiciel différent pour chaque ville ou chaque pays. Nous devons donc trouver les moyens de transférer la donnée publique de la manière la plus souple et efficace et cela nécessite un travail en amont avec chaque GPS.
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